S21/S22 – Le mythique Mékong

Cette semaine nous quittons la Thaïlande pour le Laos, en traversant le mythique Mékong. Nous embarquons à bord d’un bateau pour deux jours sur le fleuve, avec une nuit au village de Pak Beng. Un sentiment de bout du monde dans une jungle encore presque sauvage.

Le triangle d’or

Depuis Chiang Rai nous rejoignons le Mékong en passant au cœur du Triangle d’or, à Chiang Saen. Situé au carrefour de la Birmanie, du Laos et de la Thaïlande, ce territoire est le symbole de plusieurs siècles de culture du pavot et de production du précieux narcotique.

Depuis quelques décennies cette pratique est quasiment éradiquée en Thaïlande, mais elle reste active dans certaines régions voisines, notamment en Birmanie. L’histoire de sa culture est complexe, mais l’on retient que les Occidentaux ont largement contribué à son développement. Au fil des siècles la culture du pavot est devenue une tradition presque ancestrale pour de nombreuses tribus des montagnes.

Mais tandis que le mythe du Triangle d’or révèle une fascination ambiguë chez les touristes, l’opium détruit aujourd’hui encore des millions de vies. La population rurale de la région birmane du Kachin est ravagée par la toxicomanie, à un point que nous n’avions pas imaginé (si vous avez le moral bien accroché, je vous conseille cet article de fond sur le sujet : Silent Offensive).

L’impact social est tel que certains soupçonnent que la tolérance de la junte vis-à-vis de la culture du pavot somnifère soit une arme silencieuse à l’encontre de certaines minorités concernées (Chrétiens…)

Le Mékong

Bien plus sympathique, notre arrivée sur les rives du Mékong fut à la hauteur de la légende. Il nous surprend d’abord par son ampleur et par les nombreuses barges très allongées qui y naviguent.

Pour poursuivre notre voyage, nous traversons le fleuve, qui marque la frontière entre la Thaïlande et la Laos. Depuis notre départ c’est le passage de douane le plus fastidieux que nous ayons eu (nombreux guichets à passer, pleins de formulaires à remplir, on est pris en photo à deux reprises…).

Nous avons d’ailleurs fait figure d’exception en traversant le pont-frontière à vélo, ce qui est normalement strictement interdit. Nos vélos ne rentrant pas dans le bus de transfert, nous avons été escortés pour des raisons de “sécurité” (la conduite passe ici de la gauche à la droite).

Le Slow-Boat

Les montagnes du nord du Laos et leurs routes très pentues (pas toujours goudronnées) sont un peu extrêmes pour le voyage à vélo. Trop pour nous en tous cas. Nous embarquons donc à bord d’un petit bateau à destination de Luang Prabang, avec une étape de deux nuits à Pak Beng.

Le bateau a une forme de grande pirogue très allongée, dans laquelle deux rangées de vieux sièges de bus ont été installés. Nous y embarquons après avoir pris soin d’ôter nos chaussures, ce qui est très courant ici (dès qu’on rentre dans un temple, ou même certains restaurants).

Il y a quelque chose de féérique à voyager sur ce fleuve légendaire en pensant aux siècles d’histoire passés. Le Mékong s’écoule entre des montagnes de forêt dense aux essences multiples et exotiques, qu’on imagine abritant une faune bien particulière.

Malgré l’enclavement, la vie humaine est présente sur les rives : quelques tout petits villages de cabanes en bambous, de nombreux buffles en liberté, des pécheurs au filet, et des orpailleurs qui profitent de la baisse des eaux pour prospecter les sédiments. 

Premières impressions sur le Laos

Nous faisons étape à Pak Beng, village isolé, qui nous plonge dans l’atmosphère de ce nouveau pays. Bien qu’un peu roots, nous sommes étonnés des infrastructures touristiques présentes.

En fait, on réalise que bien que le Laos soit parmi les pays les plus pauvres d’Asie, il vit un développement très rapide en infrastructures modernes. Ainsi, Pak Beng a été électrifié il y a huit ans à peine, et on y trouve aujourd’hui une boutique de smartphones rutilante. Quelques mètres plus loin des enfants jouent pieds nus dans des rues en terre…

Une certaine quiétude règne néanmoins dans ce village et nous décidons d’y rester une deuxième nuit pour visiter un sanctuaire pour éléphants.

Sanctuaire d’éléphant

Eglantine est très excitée par l’idée d’aller voir les éléphants. Contrairement à de nombreux parcs, ici on ne monte pas, et même, on ne touche pas les éléphants. L’éthique est au cœur du projet.

C’est une française qui vit au Laos depuis quinze ans qui gère ce centre, appuyée par une bonne équipe de cornacs. Elle est une véritable mine d’informations, et nous détaille toute l’histoire des éléphants au Laos : depuis le braconnage pour les cirques, jusqu’à la naissance du dernier petit éléphanteau, en passant par la difficile gestion de la période de Musth (rut) du mâle.

Nous découvrons les éléphants dans leur univers naturel, en observant le travail incroyable des cornacs. Ces derniers suivent un éléphant parfois depuis sa naissance, ou l’aide à retrouver un comportement « naturel » lorsqu’il vient d’un cirque ou de l’exploitation forestière.

Luang Prabang

A notre arrivée à Luang Prabang ce fut un peu le choc. Nous sommes très excités à l’idée de découvrir un peu plus le Laos, et l’avons peut-être un peu fantasmé. Bien que nos premiers tours de pédales aient été magnifiques et authentiques (10 km entre l’arrivée du slow-boat et la ville), nous constatons rapidement une ville où le tourisme a largement pris le dessus sur la vie locale.

Les guest-houses, restaurants, et boutiques pour touristes sont partout ! Abstraction faite, on découvre une ville qui “reflète la fusion exceptionnelle de l’architecture traditionnelle et des structures urbaines conçues par les autorités coloniales“, comme le dit si bien l’UNESCO. Et c’est vrai que la petite ville est atypique !

Au final, Luang Prabang est parfaite pour faire une bonne pause, réparer un rayon cassé du Pino bleu, et recharger les batteries (Timéo et Laurent ont été un peu patraques). C’est aussi un bon point de départ pour des excursions à la journée, dont une magnifique rando aux cascades de Kuang Si.

Un soir nous avons assisté à la projection en plein air de Chang (éléphant en laotien), premier film-documentaire tourné en Asie du sud-est (en 1927). Ce film retrace la vie d’une famille habitant une petite maison de bambous sur pilotis au cœur de la jungle du Siam, et sa survie face aux animaux de la jungle. Assez incroyable par sa réalisation et l’immersion dans une époque où l’homme était autant une proie qu’un prédateur.

Les rencontres

Les deux jours passés sur le Slow-Boat sont l’occasion de rencontrer des voyageurs de tous horizons. Tous voyagent au long cours, de trois mois à deux ans. Et une fois de plus nous ne passons pas inaperçus avec nos vélos, lorsque nous les montons sur le toit du slow-boat.

On a bien sympathisé avec certains voyageurs, avec qui nous avons notamment improvisé une petite soirée de réveillon aux saveurs épicés. Chouette compagnie d’Hortense & Arthur, avec qui nous avons partagé une bonne partie de la deuxième journée de slow-boat. Et chapeau bas à Sanne & Bouke (voir S20), qui ont rejoint Pak Beng à vélo, avec une étape de 80km et 2200m D+ en partie non goudronnée !

Les échanges avec les Laotiens sont encore sommaires, probablement parce que nous sommes dans un coin touristic, mais nous espérons bien aller plus loin dans la rencontre quand nous serons dans la campagne.

La suite

Contraints par le relief et surtout par le temps (notre visa laotien se termine le 22 janvier), nous avons choisis de sauter une partie du Laos pour aller pédaler sur les parties les plus intéressantes. Il nous tarde de nous remettre en selle, alors rendez-vous à Thakhek 😊

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4 085 km

Luang Prabang, Samedi 31 Décembre – 00h52, 18°C