S13 – La Cappadoce

De Göreme à Göreme (boucle en Cappadoce)
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Nous passons une semaine en Cappadoce, territoire féerique qui abrite un patrimoine géologique et “architectural” fabuleux. Immersion au pays des maisons troglodytes, des villes souterraines, et des ballets de montgolfières !

Gorëme

A notre arrivée à Gorëme (à presque minuit), nous sommes d’abord saisis par le froid. La Cappadoce est en effet une région qui se situe sur un haut plateau à plus de 1000m d’altitude, dans une partie centrale de la Turquie moins tempérée que la côte méditerranéenne.

Malgré tout, les prix élevés des logements nous poussent à tenter le camping pour nos quelques nuits à Gorëme. Nous avons eu un peu froid en fin de nuit (entre 0 et 4°C), mais le spectacle des réveils féériques sous une centaine de montgolfières est une belle récompense.

Gorëme est la petite ville centrale pour découvrir les pépites géologiques les plus prisées. C’est aussi l’épicentre du tourisme international, dont l’attraction phare est bien sûr le tour en montgolfière. A 250€ par personnes (près de 1000€ pour la famille), nous préférerons les regarder d’en bas.

C’est d’ailleurs étonnant de constater l’écart de coût de la vie entre ces zones de tourisme plutôt intensif, et les prix pratiqués quelques dizaines de kilomètres plus loin, dans une ville “normale”. Nous avons ainsi payé moins cher la nuit dans un petit hôtel (tout confort) à 40 km de Gorëme, que le camping de cette même ville.

Formations géologiques et troglodisme

Le patrimoine exceptionnel de la Cappadoce repose sur des formations géologiques monolithiques en tuff (roche volcanique facile à creuser) que de nombreuses civilisations ont investi pour construire leurs habitations, des églises, ou encore des pigeonniers (source du précieux guano).

Le résultat est un peu magique et surnaturel. On a parfois l’impression de marcher dans un village de schtroumfs du désert, parfois d’être réduits à la taille d’insectes devant des termitières ou fourmilières africaines. Les enfants adorent se balader ou jouer à cache-cache dans ces ensembles labyrinthiques.

Les villes souterraines

Alors que les maisons troglodytes des environs de Gorëme et Uçisar s’exhibent fièrement du haut de leurs monolithes, les anciennes villes souterraines sont, elles, bien cachées sous un plateau sans relief. Impossible d’imaginer que sous d’actuelles petites villes turques d’apparence plutôt banale, se cachent en réalité des kilomètres de galeries réparties sur 8 étages.

Nous avons visité les villes souterraines de Derinkuyu et Kaymakli, et je dois dire que ce fut une sacrée expérience ! Nous avons parcouru des boyaux minuscules (même Eglantine devait se pencher), longs de plusieurs dizaines de mètres, et reliant les différentes salles de ce véritable gruyère.

Les premières excavations datent des Hittites (civilisation antique d’Anatolie), mais la plus grande partie a été creusée par des communautés chrétiennes entre 200 et 1200 après J.C. Derinkuyu pouvait servir de refuge à près de 10 000 personnes (ponctuellement), ou héberger 3 000 personnes pour plusieurs mois ! 

Ainsi, ces villes organisées selon trois classes sociales (les chefs, la classe moyenne, et les immigrés) possédaient toute les fonctions nécessaires à la vie souterraine : garde-manger, chambres familiales, cuisine commune, église, école… Mais surtout plusieurs cheminées assurant les quatre fonctions vitales suivantes : ventilation, puits (en partie basse), communication (alerte en cas d’attaque), transfert de provisions (avec une corde).

Difficile d’imaginer la vie dans ces galeries alors que leur seul moyen d’éclairage était la lampe à huile.

Au-delà du tourisme

Comme évoqué, le tourisme semble parfois un peu hors-sol, et surtout très circonscrit. Il suffit en effet de pédaler quelques kilomètres pour changer complétement d’ambiance et se retrouver dans des villages où plus personne ne parle un mot d’anglais, et où la vie est beaucoup plus authentique.

Lorsque nous nous installons dans l’un des nombreux salons de thé, Prêle est systématiquement la seule femme dans une assemblée de plusieurs dizaines d’hommes (qui boivent des thés, fument, et jouent parfois aux cartes). C’est souvent le même scénario quand on va dans les petits restos de quartier. Au début, on se posait un peu des questions, mais nous sommes généralement tout de même très bien accueillis.

Et quel plaisir de se retrouver immergé dans cette vie “normale”, d’observer et comprendre les codes et coutumes. Nos coups de pédales nous ont aussi amené à observer les récoltes de pomme de terres et de cucurbitacées. C’est assez étonnant, ils ne récupèrent des courges que les graines qu’ils font sécher sur d’énormes surfaces (devant les maisons, dans les rues, sur les places des villages). Le reste est concassé et rejeté dans les champs probablement comme amendement pour l’année suivante.

Allez vous faire voir chez les Grecs

Vivre plusieurs semaines dans un pays attise la curiosité sur son histoire. La récente présence de Grecs en Turquie, bien visible en Cappadoce, nous amène à comprendre que la nation turque s’est structurée sur des événements tragiques entre 1915 et 1923.

Le traité de Lausanne – 1923 – met fin à la Guerre Gréco-Turque et acte un échange de population obligatoire entre les deux pays : 1,6 millions de Grecs ottomans quittent la Turquie pour la Grèce, et 385 000 musulmans quittent la Grèce pour la Turquie.

Ce transfert est l’aboutissement de ce qui est aujourd’hui qualifié de “nettoyage ethnique” par les historiens Grecs, et de “stabilisation de l’homogénéité ethno-religieuse” par les historiens turcs. Car, en en effet, cet événement fait aussi suite à l’élimination de 1,2 millions d’Arméniens entre 1915 et 1916 (génocide arménien). En moins de quelques années la diversité ethnico-religieuse de l’empire ottoman fut supprimée.

Bien sûr l’histoire est complexe et se résume difficilement en quelques lignes, mais les faits principaux sont là, et ils nous permettent d’affiner notre compréhension du pays. Nous ne nous risquons pas à aborder ces sujets avec les Turcs que nous rencontrons, car les tabous semblent bien présents.

Rencontres

Alors que vous rangeons nos vélos dans une pièce de notre Pension à Derinkuyu, notre oeil est attiré par autre paire de vélo voyage. Toujours curieux d’échanger avec des cyclo touristes, nous demandons à les rencontrer et notre surprise est grande quand nous tombons sur Oliver et Katrin, couple d’allemands avec qui nous avions partagé un abris en Bosnie le temps d’une forte averse ! Nous passons une sympathique soirée autour d’une table remplie de spécialités turques, à échanger sur nos expériences respectives.

Le “panorama camping” de Gorëme fut aussi l’opportunité de rencontrer des voyageurs, la plupart en camion ou en camping-car. Nous avons ainsi rencontré Julien, Cindy, Léa (18 mois) et Inès (3 ans), famille suisse qui est partie pour un tour d’Europe d’un an et projettent de passer l’hiver sur l’ile de Crête.

Nous aurions aimé vous parler aussi des bons petits plats turques, des petits déjeuners gargantuesques… mais ça sera pour un prochain article !

La suite

Après une superbe semaine en Cappadoce, nous nous apprêtons à retourner vers l’ouest de la Turquie, où une famille nous propose de nous accueillir pour une semaine de Workaway. Nous prendrons le bus demain (lundi) en direction de Bursa d’où nous rejoindrons la côte à vélo.

Et bien sûr, nous allons essayer de relever le défis lancé par Caroline ! (voir comments S12) 

                                                                          ……………….

2 941 km

Göreme, Lundi 31 Octobre – 08h47, 12°C

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Hervé GASDON
2 years ago

Cela nous rappelle des souvenirs lorsque nous sommes allés en Cappadoce. Paysages magnifiques et surprenants. Nous étions hébergés dans un gîte kémaliste avec beaucoup de discussions intéressantes mais nous n'avons pas pu évoquer le génocide arménien. Merci beaucoup pour ces reportages. Bonne continuation et grosses bises à toute la famille en direct de l'Alsace !!!

Clément (les p'tits loukoums)
2 years ago

Les photos sont magnifiques, vous avez bien fait de piquer à l'Est (même s'il fait froid)!

Marie-Annick et Christian
2 years ago

Hello... Chaque jour vous continuez de nous passionner, émouvoir, étonner, émerveiller mais surtout instruire! Quelle maîtrise du projet,quelle belle progression! Continuez à nous régaler et à partager les beautés rencontrées par les photos et rédactions si précises et expressives .
On vous envoie plein d' Amour et de force.

Blandine Destombes
2 years ago

Incroyable cette fourmilière souterraine humaine. Quelle ingéniosité, il y a longtemps déjà !
Contente de voir et lire que tout le monde se porte bien et continue à découvrir ces beautés du monde. gros bisous de Meyrié!

Caroline
2 years ago

Salut les fourmis cyclistes!
On en apprend des choses en vous lisant! Comment faites vous pour nous expliquer toutes ces histoires des pays que vous traversez...ce n'est pas wikipedia qui nous donnerait toutes ces explications.
Ce dernier post donne à sentir l'odeur des galettes, donne envie de rajouter une petite laine dans vos saccoches, de vous passer de la crème sur vos visages rejouis et brunis par le vent, la pluie et le soleil.
Je me réjouis de votre semaine de workaway à trier les graines de courges 😅, les enfants pourront fêter Halloween😉.
Je vous embrasse bien fort

Hugou
2 years ago

Superbes photos Timéo as tu joué à cache cache dans les maisons c est un vrai labyrinthe ?
Gros bisous