S20 – Pédaler et voguer dans les montagnes

Alors que nous entrons dans une partie reculée du mythique triangle d’or, nous découvrons une Thaïlande très différente : plus sauvage, plus enclavée, et riche d’une diversité ethnique et religieuse.

Des montagnes sauvages

Nous quittons Chiang Mai avec l’excitation d’aborder une région beaucoup moins fréquentée, avec sa part d’inconnu et d’incertitudes. Les paysages se révèlent magnifiques, et à mesure que nous progressons les montagnes gagnent en amplitude, et les forêts en densité sauvage.

Nous garderons gravé dans nos mémoires l’image des monolithes de roche noire entre Ban Pang Fuang et Chiang Prakan, digne d’un épisode d’Ushuaïa (ok, désolé pour la référence désuète et stéréotypée 😉 ).

Un territoire marqué par les années opiacées

A notre arrivée dans la vallée de Chai Prakan nous mesurons l’enclavement actuel, mais surtout passé de ce territoire (lorsque les routes n’étaient que des chemins de terre). On comprend aisément que ces territoires aient été adaptés au développement du narco-business, car oui, nous sommes désormais entrés sur les terres mythiques du “triangle d’or”.

Le soir nous faisons étape dans le petit village de Ban Mai Nong Bua. Nous sommes surpris d’y constater que l’écriture thaï laisse place aux idéogrammes chinois, y compris sur des inscriptions officielles (écoles…). Après quelques échanges, nous comprenons qu’il s’agit d’un village 100% chinois, fruit d’une immigration depuis le Yunnan, en grande partie dans les années 50/60.

Nous tentons de reconstruire le puzzle historique, en compilant les bribes évoquées par nos interlocuteurs (2ème ou 3ème génération). Certains évoquent la fuite du Maoïsme par leur grands-parents, d’autres avouent une implication dans le juteux business de l’opium…

Quoiqu’il en soit il règne dans ce village une ambiance différente, et nous profitons de bons moments avec cette population isolée, mais ouverte.   

Descente de la rivière Kok

Le lendemain nous reprenons la route vers Thaton, dernier village de la vallée avant une série de cols très difficilement franchissables pour nous. Et ça tombe bien, une rivière à peu près navigable descend depuis les montagnes birmanes vers Chiang Rai, en passant par Thaton. Comme souvent, nous n’avons pas d’informations fiables avant d’être sur l’embarcadère.

Mais ouf, c’est ok, bateau et chauffeur sont dispos pour nous aider à passer les reliefs les plus difficiles. Thaton est une petite ville à quelques kilomètres seulement de la frontière. Ici les touristes ont toujours été rares, mais ils sont complétement absents depuis les deux années de Covid.

Nous rencontrons de plus en plus de Birmans immigrés. Un patron de Guest-house sans scrupules nous dira que c’est une main d’œuvre besogneuse “contrairement aux thaïs qui sont tire-au-flan”.

Nous chargeons donc nos vélos sur une étroite pirogue en bois, et nous élançons dans une descente plus mouvementée que nous ne l’avions imaginé. En effet quelques rapides sont vite une sacrée aventure en pirogue. Et bien que régulièrement plate, la rivière est jalonnée de nombreux récifs et vagues qui nous ont bien arrosés.  

Quotidien et petits tracas

Au cours de cette semaine, Eglantine se plaint d’avoir mal à l’oreille. Nous découvrons alors une tique installée dans le repli extérieur de son oreille droite. Nous “jouons” au “jeu” de se faire peur en prenant connaissance de toutes les cochonneries qui peuvent être véhiculées par ces sales petites bébêtes. La palme au “typhus des broussailles”, pour son joli nom et son petit potentiel anxiogène.

Aussi, deux jours plus tard, lorsque qu’Eglantine développera une petite fièvre (39°C) nous l’emmènerons consulter sans délais. Résultat : Antibiothérapie, mais nous ne saurons pas vraiment si c’est curatif ou préventif. Bien contents tout de même de ne pas être déjà au fin fond du Laos.

Rencontres

Cette semaine nous rencontrons Bouke & Sanne, un couple de cyclos-voyageurs des Pays-Bas. Partis il y a neuf mois d’Europe ils ont traversé de nombreux pays (dont l’Inde et le Pakistan), et ont été contraints d’en éviter d’autres par avion (Iran, Afganistan, Chine, Birmanie). Nous partageons un Pat Thai ensemble, échangeons sur nos expériences respectives, puis ils repartent à leur vitesse de croisière (plus rapide que la nôtre).

Dans un petit boui-boui de village de montagne, nous avons aussi rencontré Kham Keow, Birman immigré en Thaïlande à l’âge de trois ans avec ses grands-parents, puis en orphelinat à leur décès. Il n’a jamais revu ses parents dont il ignore l’existence depuis. Il a la vingtaine, parle un anglais correct, et partage sans filtre son désarrois vis-à-vis de l’instabilité Birmane. Sa gentillesse nous marque.

D’autre part, la région se distingue du reste de la Thaïlande par les nombreuses églises catholiques et protestantes que nous avons pu voir sur la route. Une bible bilingue thaï/anglais était disposée à l’entrée de l’hôpital où nous avons emmené Eglantine. Mais nous n’avons pas encore eu l’occasion de rencontrer des membres de ces communautés. Peut-être pour Noël… ?

Le temple blanc

Passage obligé à Chiang Rai, parait-il, nous avons visité le fameux temple blanc, et en gardons un souvenir contrasté. D’abord Prêle se retrouve interdite d’entrée pour cause de pantalon trop court. Il y a beaucoup de monde, et s’il est vrai que l’architecture est étonnante, elle mélange des sentiments oniriques et morbides.

Le sentiment s’accentue à l’intérieur, où des peintures religieuses classiques de bouddhas sereins font face à Ben Laden et George Bush peints dans les yeux d’un énorme démon. D’autres figures anachroniques sont représentées dans un mélange dont on ne comprend pas toujours le sens.

La suite

Nous profitons bien de quelques jours de repos à Chiang Rai, puis reprendrons notre route en direction du cœur du triangle d’or à l’intersection des trois pays (Myanmar, Laos et Thaïlande). Nous quitterons ensuite la Thaïlande par un trajet bateau de deux jours sur le Mékong.

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3 951 km

Chiang Rai, Mardi 20 Décembre – 12h38, 25°C