S23 – Boucle de Thakhek, ça monte sec, mais c’est chouette

De Luang Prabang à Thakhek
DSC06191

Petite halte à Vientiane, avant de repartir à la découverte de la campagne laotienne. Un bout d’aventure haut en couleur, aux paysages fantastiques, parmi les écoliers à vélos et les buffles broutant les bas-côtés.

Les routes laotiennes

Notre périple reprend avec une liaison en pick-up entre Luang-Prabang et Vientiane. On nous avait prévenu que cette section était coriace, et effectivement on n’a pas été déçu !

Nos vélos sont très solidement attachés à l’aide de morceaux de bambous pour rigidifier leur tenue verticale. Et nous comprenons bien vite l’objet de cette attention : la route est d’abord truffée de nids de poules, puis de larges trous creusés par le ravinement, pour finir par une section sans goudron.

Là, des ornières sont creusées dans le sable, laissant quelques gros camions chinois bloqués sous le col. Les chauffeurs semblent prendre la chose avec philosophie, et sortent leurs creusets à charbons pour griller quelques saucisses au bord de la route.

Nous arrivons à Vientiane après sept heures de “tape-cul”, un peu éreintés mais contents de pouvoir rencontrer “les Polos à vélos”.

Les Polo à vélo

A Vientiane (capital du Laos), nous retrouvons “les Polo à vélos”. Cette famille de six Belges est partie de Bruxelles début Août pour Athènes, avant de s’envoler pour le Laos. L’équipe est formée de : Léon 8 ans (il a déjà deux petites sacoches), Octave 10 ans, Henri 12 ans, Louise 14 ans, Audrey et Laurent.

Nous prenons plaisir à partager une journée et deux soirées en leur compagnie, dont celle du réveillon du nouvel an. Nous partageons nos expériences dans les Balkans qui semblent déjà lointaines, mais nous font encore briller les yeux…

Les bus laotiens

Alors que nous nous apprêtions à rejoindre la boucle de Thakhek à vélo, nous rencontrons Géraldine (Warmshower) à Vientiane. Elle nous déconseille fortement les 240km de route principale entre Vientiane et Vieng Kham.

Nous suivons donc ses conseils, et nous rendons à la gare routière pour prendre le bus (à une quinzaine de kilomètres du centre). Nos vélos sont solidement attachés sur le toit, et nous partons pour sept heures de route à un rythme très aléatoire.

Dans les bus laotiens, quand il y a de la place pour 50, il y a de la place pour 70 ! C’est ainsi qu’une vingtaine de tabourets en plastique sont installés dans l’allée du bus pour faire monter un maximum de monde. Plus tard, d’autres s’installeront dans les escaliers, et une famille prendra même place dans la soute, sur une natte à côté des scooters.

Cette route aussi réserve des jolis trous que le bus franchis à quelques km/h pour préserver sa carrosserie vieillissante. De temps à autres le chauffeur s’arrête pour une pause pipi collective improvisée dans la cambrousse, ou pour bricoler on sait pas trop quoi sous le bus à l’aide d’une grande clef à molette…

Il n’y a pas à dire, le vélo est plus sportif mais probablement moins éprouvant !

La boucle de Thakhek

Il s’agit d’une route de 400 km sillonnant la campagne laotienne. Un circuit révélant des paysages variés, entre rizières, monolithes de roche noire, grottes majestueuses, ou encore marécages parsemés d’arbres fantomatiques.

L’itinéraire est peu parcouru, nous n’y croisons qu’une dizaine de scooters d’Occidentaux par jour. S’il leur faut trois ou quatre jours pour faire la boucle, il nous faudra sept jours pour joindre Thakhek depuis Vieng Kham (incluant l’aller/retour à la grotte de Konglor).

Nous pédalons parmi les buffles, les zébus, et tous les animaux de basse-cour (cochons, poules, pintades, canards…) qui se baladent en liberté dans les villages. Les enfants s’amusent à nous suivre à vélo en criant des joyeux “Sabaidee” (salut !).

Quel plaisir de parcourir ce Laos rural, vivant mais paisible. A cet instant nous prenons conscience de vivre la profondeur et l’intensité du voyage. Probablement parmi nos plus belles étapes asiatiques, à ce stade.

Les enfants

Timéo et Eglantine font l’objet d’une grande fascination, surtout de la part des femmes âgées. Elles n’hésitent pas à les toucher, leur caresser les cheveux, leur tâter les mollets ou les bras. Parfois ils sont réquisitionnés pour des séances de selfies.

Alors que nous étions surpris de voir peu d’enfants en Thaïlande, ils sont ici omniprésents. Il faut dire que 36% de la population laotienne a moins de 15 ans. On en croise certains en costumes d’école (qui détonnent pas mal avec les pied nus ou les tatanes), mais plus souvent en train de jouer ou chasser aux abords des villages.

A Thalang, Timéo et Eglantine se font des copains laotiens (les enfants des proprios de la Guest House). C’est vraiment drôle de les voir jouer à cache-cache en comptant dans un anglais approximatif. Et nous aussi, parents, savourons ces quelques heures de liberté (les parents comprendront…)

Côté pratique

Les GuestHouse que nous fréquentons sont parfois sommaires mais offrent l’essentiel : serviettes & draps propres, et très souvent une douche chaude. Les prix varient entre 2,5€ et 10€ la nuit pour quatre.

Un soir, alors que nous entrons dans la salle commune, Timéo s’arrête net et m’interroge : “Papa, pourquoi il y a un gros machin en forme de pointe derrière la télé ?”. Il voit pour la première fois de sa vie un écran à tube cathodique…

Côté gastronomie nous faisons de belles découvertes : à commencer par le sticky rice, qui se vend dans des petites boites en bambou tressé et qui se mange directement avec les doigts à toutes heures de la journée. C’est un peu le pain local, très pratique, qui ne colle pas aux doigts, et se conserve bien. On a aussi adoré le Laap, plat traditionnel au carrefour entre le tartare et la salade, qui peut être à base de poulet, de porc ou même végétarien (tofu), largement agrémenté d’échalotte, menthe, coriandre, ciboulette thaï, galanga… Et pour la touche d’exotisme, on a mangé du crocodile !

De temps à autres, il est aussi bon de retrouver un repère occidental, tel que le pancake qui est plutôt courant sur les menus.

La grotte de Konglor

Nous nous engouffrons dans la bouche béante de la grotte, et embarquons dans une longue pirogue. Le moteur vrombi et nous sommes rapidement plongés dans l’obscurité totale. Seul le fin faisceau de la lampe frontale de notre guide éclaire vaguement le cours d’eau qui serpente entre les larges parois de la grotte. Nous finissons par allumer nos lampes frontales également, mais celles-ci nous permettent juste d’imaginer un peu plus le volume de la grotte.

Nous nous sentons un peu comme les pionniers qui l’ont découverte il y a 100 ans. A ceci près que notre batelier connaît la rivière par cœur et fait aller la pirogue à toute allure. Tout à coup, notre guide, qui ne parle pas un mot d’anglais, s’arrête, nous fait descendre au beau milieu de la grotte, sort le moteur du bateau et le pose sur un rocher. Nous comprenons alors qu’il va falloir tirer l’embarcation sur quelques mètres, le passage n’étant pas suffisant à cet endroit-là ! Cette traversée au ras de l’eau durant sept kilomètres restera une belle expérience !

Selon les dires des anciens, la grotte hébergeait autrefois une grande population de singes qui ont tous été chassés pour être mangés. Et c’est malheureusement le cas de beaucoup d’espèces au Laos… Un dicton laotien dit d’ailleurs : “tout ce qui a quatre pattes se mange, à part une chaise”. Mais comme nous l’a témoigné un hôte de Guest House, c’était l’unique moyen de subsistance pour certains durant les difficiles années de fermeture Covid.

Le Laos

Cette semaine nous avons eu quelques vraies discussions avec des Laotiens. S’ils semblent tous assumer le principe du communisme, ils déplorent sans trop de réserves le parti unique et l’absence d’opposition, qui selon eux faciliterait la corruption.

Et tout communiste qu’il soit, le pays est marqué par des inégalités bien visibles. Ainsi la classe moyenne-aisée roule dans des pick-up neufs, tandis que de nombreux Laotiens sont contraints à vendre des bistrouilles à quelques centimes au bord des routes et à chasser tout ce qui bouge pour manger correctement (rats, écureuils, oiseaux…).

Il est d’ailleurs parfois un peu choquant de voir d’immenses pubs pour la 5G, dans un pays où le niveau d’éducation est très faible et où il n’est pas rare de voir les jeunes enfants travailler aux champs.

Guerre d’Indochine

On peut difficilement parler du Laos sans évoquer les heures sombres de son histoire (désolé de finir sur un sujet pas fun)

On l’ignore souvent mais le Laos fut le pays le pays le plus bombardé de l’histoire ! L’équivalant d’un bombardement toutes le 8 minutes, 7 jours sur 7, pendant 9 ans. Bien qu’officiellement neutre, le Laos a reçus plus de 2,5 millions de bombes américaines, dans des opérations de “contre-feu” et de pilonnage des routes d’approvisionnement d’Ho Chi Minh.

Le Laos est en effet un peu l’oublié des livres d’histoire sur la guerre d’Indochine, mais les anciennes générations semblent, elles, en avoir la mémoire marquée ; et les bombes non explosés font encore de nombreux blessés et morts parmi les civils qui s’aventurent dans des zones vierges.

Suite à la prise de Thakhek par les forces communistes, l’armée française aurait massacré 1500 à 3000 civils majoritairement vietnamiens. Une peinture macabre exhibe la mémoire de cet événement, en grand format sur la place principale de la ville (voir ci-contre). Peu d’informations précises et sourcées sur ce sujet.

Nous nous questionnons parfois sur ce que l’on représente vraiment pour les Laotiens, en tant que Français. Les jeunes que nous croisons sont toujours cordiaux, mais les plus anciens  semblent parfois plus réservés…

Pour conclure sur une note moins noire, nous vivons pour notre part un Laos paisible, détendu, plutôt pauvre mais souvent joyeux 🙂

La suite du voyage

A court terme nous poursuivons notre descente du Laos probablement jusqu’à Savannathek ou Paksé, puis bifurquerons vers la Thaïlande en évitant le Cambodge, pour lequel nous avons eu trop de retours négatifs pour le vélo-voyage.

Nos billets pour Melbourne sont désormais réservés , pour le 15 février (depuis Bangkok).

A plus long terme aussi nos plans se précisent, car nous envisageons très sérieusement de remplacer le chapitre américain par un chapitre nippon, avant un retour en Europe.

————–

————–

4 425 km

Thakhek, Mardi 10 Janvier – 23h44, 21°C

Subscribe
Notify of
12 Comments
Oldest
Newest Most Voted
Inline Feedbacks
View all comments
Valérie
1 year ago

Oh yeh! Quelle belle aventure. Ce pays semble magnifique, sauvage et accueillant. Ça ressemble bien à un vrai voyage!
Je valide le Japon à la place de l'Amérique du Nord ! Vous irez plus tard... Sage décision en réflexion 😉

bernard
1 year ago

merci pour ce 2°épisode au Laos...ce pays que nous connaissons un peu mieux maintenant grâce à vous, ne semble pas démériter de l'excellente réputation qui lui est prêtée...bravo à vous de lui consacrer un temps non négligeable de votre périple...bonne continuation pour vos choix à venir !

Blandine
1 year ago

Bon, vous avez eu tous ces commentaires sur les photos du suivi carto, parce que Christophe ne rentre que maintenant (22h) .J'y ai pris plaisir 😀
Mais maintenant on va aller manger tout de même.
Bisous à tous les 4 et aussi aux 4 roues et aux 8 pédales , forcément!!

Prêle
Reply to  Blandine
1 year ago

Merci Blandine !
On transmet (aux 4 roues et aux 8 pédales 😉)

Les Bouchons
1 year ago

Merci de nous faire faire ce beau voyage par procuration ! Nous sommes des (très vieux) copains d'Hervé et Colette et avons croisés à plusieurs reprises Anne-Chantal et Bernard à Embrun. Bravo pour vos comptes-rendus qui sont attrayants et fort bien écrits. Vous donnez une vision du monde qui est réconfortante à travers sa diversité, sa beauté, et aussi tous ces gens qui sont bienveillants et attentifs aux autres. Certains investissent dans des maisons ou d'autres trucs pour assurer leurs vieux jours, vous, vous aurez un capital inaltérable de souvenirs qui plus est en compagnie de vos deux enfants que l'on a plaisir à voir évoluer aussi facilement dans des environnements qui sont parfois rugueux. Quel beau choix d'aller au bout de ses rêves ! Merci. Les Bouchons bretons.

Prêle
Reply to  Les Bouchons
1 year ago

Bonjour Les Bouchons bretons !
Ravie de faire votre connaissance à travers notre blog, et de vous partager notre aventure.
Merci pour votre beau message et vos réflexions profondes.

Jessica
1 year ago

On a vraiment l'impression que vous ralentissez (sauf si on regarde vos étapes et "performances") sur cette partie du voyage.
Quelles belles couleurs !
Vous avez bien fait d'embarquer ce drone, ça donne une autre dimension à vos récits.
Profitez bien du déluge et des rencontres.

Prêle
Reply to  Jessica
1 year ago

On a bien ralenti, profitant de belles découvertes, de chouettes rencontres et quelques fois, de gros dénivelés 😅
Nous voilà de nouveau en Thaïlande, c'est plat, notre envie d'avancer nous tire et le vent dans le dos nous pousse !
Merci pour tes messages.
Une belle année 2023 et des bisous à vous 4 !

Anaïs
1 year ago

Hello !
Un petit mot pour vous transmettre mes pensées, votre aventure est incroyable ! Bravo à vous, de vous donnez cette chance de vivre des aventures vibrantes et tellement enrichissantes, gros bisous d'une cousine Villien,
Anaïs.

Prêle
Reply to  Anaïs
1 year ago

Bonjour Anaïs,
Merci pour ton message, ça fait bien plaisir ! Ravie de vous partager notre aventure.
Gros bisous à toute la famille.

Clément (les p'tits loukoums)
1 year ago

Hey coucou les petits loups! C'est un vrai bonheur de "continuer" le voyage en vous suivant ! Magnifique ! Ça donne envie de repartir, ou au minimum de mettre la tente dans le jardin ;). Chouette de voir que votre itinéraire évolue au gré de vos envies, vous avez bien raison de les suivre ! Des gros bisous de toute la famille !

Prêle
Reply to  Clément (les p'tits loukoums)
1 year ago

Salut les P'tits Loukoums !
Chouette d'avoir de vos nouvelles. Ça fait plaisir de vous faire voyager un peu, et on aurait bien aimé pédaler avec vous quelques étapes asiatiques. Vous nous manquez !
Bisous à vous 4